Ourega Loh Jeannot (Président de la Fédération Ivoirienne d’OTHELLO) : « Il faut que l’OTHELLO soit le jeu le plus joué en Côte d’Ivoire »
Ourega Loh Jeannot dit l’Innovateur est le président de la Fédération ivoirienne d’OTHELLO. Dans cette interview accordée pour la première fois à l’hebdomadaire L’Ecole, il explique ce que c’est que cette discipline, ces avantages pour les élèves et même pour les citoyens lambda. Ourega Loh Jeannot parle également dans cette interview de ses perspectives pour cette discipline, des difficultés que rencontre la Fédération qu’il dirige etc.
Qu’est-ce que l’OTHELLO,
L’OTHELLO est un jeu intellectuel, un jeu cérébral, un jeu qui permet de modifier un peu le comportement des élèves. Mais, nous l’avons instauré à travers les clubs Mathématiques pour pouvoir apporter un plus. C’est-à-dire, les enfants ne maîtrisaient pas, ils ne savent pas maîtriser l’outil Mathématique, l’outil scientifique.
« L’OTHELLO est un outil didactique à l’apprentissage et à l’alphabétisation »
Mais au-delà, ils ne savent pas bosser. Alors, il fallait produire les jeux cérébraux en vue de leur apporter un plus, modifier un peu leur comportement. Donc l’OTHELLO, c’est ce jeu de société qui s’apparente aux jeux de société que vous connaissez que sont les jeux intellectuels, les jeux traditionnels. Mais ce jeu-là, applique dans son fonctionnement, les notions mathématiques : les symétries centrales, les symétries orthogonales et les notions mathématiques. Donc, c’est un outil didactique à l’apprentissage et surtout à l’alphabétisation.
Qu’est-ce que cela apporte concrètement aux élèves ?
Comme je l’ai dit tantôt, pratiquer l’OTHELLO, c’est développer l’esprit des élèves, des apprenants, c’est développer l’assiduité. On a instauré cela pour lutter contre la tricherie en milieu scolaire. Aujourd’hui, lorsque les élèves pratiquent l’OTHELLO, ils ne tirent plus les cours. Vraiment, c’est un sacerdoce. A travers les clubs mathématiques que nous avions, avec l’instauration de l’OTHELLO, nous avons formé des élites, des docteurs, même des gens qui disaient qu’ils n’étaient pas forts en Mathématique.
Mais, l’OTHELLO fait sortir la valeur intrinsèque des apprenants. C’est-à-dire, quand l’enfant est né naturellement pour être fort en Physique, il est fort en Physique. Que ce soit en Français, en Histoire-Géo, la valeur intrinsèque de l’individu ressort. Tous les cours de Mathématique que je donne aux parents, aux particuliers, aux élèves, cela permet de développer les aptitudes pédagogiques et intellectuelles de l’apprenant.
Si on vous demandait de faire un bilan de l’OTHELLO ?
Aujourd’hui, l’OTHELLO a formé les élites : les fonctionnaires, les ingénieurs… Je prends un exemple d’un enfant qui ne voulait pas aller à l’école. Aujourd’hui, c’est lui qui est le chef chirurgien du CHU d’Angré. Je ne parle plus des policiers, des enseignants qui sont formés. Je suis un produit. Cela veut dire qu’au-delà même de l’apprentissage, qu’au-delà même de l’alphabétisation, l’OTHELLO modifie le comportement de l’individu.
Ça tue le découragement. Surtout chez les jeunes filles. Pourquoi l’OTHELLO s’intéresse beaucoup à la gent féminine ? C’est pour éviter les grosses en milieu scolaire. Aucune fille qui applique l’OTHELLO ne peut tomber en grossesse.
Grâce à l’OTHELLO, vous avez reçu une médaille. C’est la médaille du mérite sportif. Que signifie pour vous cette médaille ?
Pour moi, en tant qu’individu, en tant que promoteur, en tant qu’innovateur, c’est un sacerdoce. Je pense que c’est l’éclosion d’un processus. Commencé à l’école primaire à l’âge de 10 ans, créé le club de Mathématique, aujourd’hui utilisé le Ludo, utilisé les jeux banalisés en Côte d’Ivoire, pour former cette jeunesse qui aujourd’hui gagne son pain, je dirai que l’OTHELLO est en complicité avec les parents. Parce qu’aujourd’hui, l’OTHELLO donne la joie dans les familles. Quand un enfant va à l’école, c’est pour réussir.
« On a instauré l’OTHELLO pour lutter contre la tricherie en milieu scolaire »
Donc, cette médaille est dédiée à tous ces parents qui ont cru à l’OTHELLO, qui ont cru à ce jeu cérébral. Je ne peux pas les citer parce qu’ils sont nombreux. Mais, je voudrais remercier un certain Laurent Bangah. Paix à son âme, à qui je dédie cette médaille. Qui a cru en moi en me faisant passer dans son émission « Ma part de vérité » à la RTI, qui m’a aidé. Merci au ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation aujourd’hui, qui m’a ouvert toutes les portes. Aujourd’hui, le ministre de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’apprentissage leur emboîte le pas.
En parlant, il y a des gens qui se retrouvent. Aujourd’hui, l’ETHELLO est ce jeu qu’il faut jouer, qu’il faille introduire à l’école. Merci à tout ce monde. Aujourd’hui, vous voyez les présidents des clubs qui sont pétris de talents. Je suis parti dans des compétitions internationales avec des gens qui ne croyaient pas à leur chance. Quand je leur disais, allons en Afrique du Sud, ils disaient mais c’est pour faire quoi ? Ils pensaient qu’on allait se balader. Aujourd’hui, ils sont médaillés de bronze. Ils ont représenté dignement la Côte d’Ivoire. Ané Kacou est présent.
Comment on devient membre de l’OTHELLO ?
Si vous êtes dans un établissement, où il y a un club d’OTHELLO, il faut y adhérer. On paie la licence. Parce que si tu n’as pas la licence, toi-même tu n’auras pas la vocation de te mettre au travail. La licence coûte 2 000 FCFA. Peu importe, mais pour nous l’adhésion physique est très importante. Si vous n’avez pas de club chez vous, quand vous entendez parler d’OTHELLO, courrez et allez y chercher là où ça se trouve. Vous pouvez nous inviter. On dit souvent aux parents lambda, à la veille des examens, appelez-nous.
« L’OTHELLO fait sortir la valeur intrinsèque des apprenants »
L’entretien, l’esprit Othellotique inculqué à un enfant lui permet de ne plus faire n’importe quoi. Avec OTHELLO, aucun élève ne fume, aucun élève ne boit, les filles ne tombent pas en grossesse. Nous avons de bons résultats avec 99% d’admis aux examens chaque année, sans compter ceux qui passent en classe supérieure. Depuis 24 ans que j’enseigne, depuis 35 ans que je parle d’OTHELLO, aucun élève n’a tiré mon cours. Vous tirez mon cours, c’est que vous êtes malade et vous m’appelez. C’est comme ça l’OTHELLO.
Y a-t-il des enseignants spéciaux qui enseignent l’OTHELLO ?
Nous utilisons les mathématiques et on crée les clubs pour pouvoir apporter un plus. Aujourd’hui notre objectif, c’est que l’OTHELLO doit être une matière à part en entière en classe. C’est le combat que nous sommes en train de mener. Mais le Ministère de l’Education nationale et de l’alphabétisation et le Ministère de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’apprentissage sont en train d’analyser cela.
Et j’ai espoir, j’ai foi que les années à venir, un décret présidentiel sera pris pour que l’OTHELLO soit enseigné dans les écoles. Parce que jouer, apprendre les notions, droites parallèles et les appliquer, c’est deux choses différentes. Il y a des gens qui disent qu’ils apprennent les Mathématiques, mais ça ne leur servent pas dans la vie active. Alors qu’ils vivent des Mathématiques, ils vivent des Physiques. Il faut leur apprendre à l’applicabilité. C’est l’applicabilité qui fait la différence.
Avec OTHELLO, vous parlez des Mathématiques. Vous parlez aussi des jeux traditionnels. Comment ça se passe concrètement ?
Vous savez, les jeux traditionnels sont des jeux qui sont remplis des mathématiques. Je disais : ma mère est la meilleure mathématicienne au monde. D’abord, pourquoi des jeux traditionnels sont importants ? Ils permettent la cohésion nationale. Vous voyez avant, au clair de lune, nos parents pratiquaient ces jeux et il n’y avait pas de clivage.
« Aujourd’hui, l’OTHELLO a formé les élites… »
Tous ces jeux ont disparu. Voilà on ne peut plus s’entendre au village. A Abidjan, on ne peut plus s’entendre. Pour un oui ou un non, ce sont des histoires. Hors avant, au clair de lune, les femmes se réunissaient. Les gens jouaient leur ‘‘solé’’. Ils jouaient leur ‘‘ Atolou’’. Ils jouaient leur Awalé. C’était un attroupement. Chacun était occupé à quelque chose. On vient, après les travaux champêtres, on se réunit. Chacun connaissait le problème de son ami. Il n’y avait pas de palabre. A notre temps, quand nous étions petits, nos mamans mangeaient ensemble. Elles sont de familles différentes.
Les femmes envoient la marmite au bon milieu de la cour et puis on mange. Ça, c’étaient grâce aux jeux traditionnels qu’on vivait cela. Il faut les faire revivre. Nos enfants de maintenant ne connaissent pas ça. Introduire les jeux traditionnels à l’école, c’est se familiariser. Je fais le tour du monde, je fais les grands pays au monde. Je viens de la République Tchèque où j’y ai passé pratiquement tout le mois de décembre. Mais, il faut dire pourquoi les blancs sont intelligents ? Parce qu’ils s’occupent très bien des jeux traditionnels.
Vous venez de tenir votre Assemblée générale ordinaire (AGO). Que retenir de cette AGO ?
Il faut dire que l’AGO m’a permis de savoir qu’il faut marcher avec des gens qui ont la même vision. Aujourd’hui, tous ceux qui sont venus ont la même vision. Et ils en ont témoigné. Ils sont prêts. On a introduit l’OTHELLO officiellement en 2012. Mais avec le bureau de 2012, j’étais avec un bureau inexistant. J’étais le seul à me débattre. Pas de cotisation, Rien. Aujourd’hui, ceux-là mêmes que je viens de mettre dans le nouveau bureau, c’est parce que j’ai senti en eux, une volonté de vouloir travailler. Regardez Any Kakou, pasteur de son état.
« Avec OTHELLO, aucun élève ne fume, aucun élève ne boit, les filles ne tombent pas en grossesse.»
Il vient de Divo. Depuis 5h du matin, il s’est déplacé pour venir à Abidjan. Un tel monsieur, en agissant ainsi, c’est qu’il est mordu de la chose. Il faut pouvoir marcher avec des gens avec qui on est convaincu qu’ils peuvent vous aider. Cette Assemblée générale, avec ce nouveau bureau, nous a permis de regarder derrière et de savoir ce que nous avons fait et ce qui nous reste à faire. Aujourd’hui, avec cette médaille, je pense que nous sommes au niveau étatique. Il faut s’asseoir, penser, avoir de nouveaux habits et avancer.
Quelles sont vos perspectives ?
Mes perspectives, c’est l’OTHELLO d’abord. Au plan sport, il faut que l’OTHELLO soit le jeu le plus joué en Côte d’Ivoire, avoir des lauriers pour le pays, permettre à cette jeunesse de changer de comportement. On ne peut pas parler d’un pays industriel, industrialisé et inventif sans l’esprit inventif. Le jeu OTHELLO est un facteur de développement et industriel d’un pays.
Vous parlez de vos perspectives. Peut-on savoir si vous avez des difficultés ?
Oui. Mes difficultés sont d’ordre financier. Nous voulons inonder tous les établissements de Côte d’Ivoire d’OTHELLO. Mais, il faut les moyens. Et nous voulons fabriquer des jeux. C’est pourquoi, nous nous intéressons aux élèves du Ministère de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Pour que ces élèves formés dans ces établissements puissent nous fabriquer ces jeux. On peut les fabriquer en Côte d’Ivoire. Il nous faut ces jeunes entreprenants qui peuvent nous aider. Mais il nous faut les moyens. Regardez, aujourd’hui, on veut parcourir toute la Côte d’Ivoire. Je n’ai même pas de moyens de locomotion. Chaque fois, il faut se débrouiller pour louer un car, un véhicule. Ce n’est pas normal.
« Il faudrait que la ministre Mariatou associe aussi le développement de l’Ecole ivoirienne, à l’OTHELLO »
Il nous faut les moyens financiers. Il nous faut un bon siège, un bon local. C’est pourquoi, je demande la clémence de l’Etat à soutenir OTHELLO. Financièrement, matériellement, pour que les choses puissent avancer. On ne peut pas se contenter des petites cotisations. Il faut des mécènes pour nous accompagner. Alors, ce sont ces difficultés d’ordre financier et matériel que connait OTHELLO. Il nous faut du matériel othelliste. Les jeux de ludo doivent être fabriqués. Ça peut donner du travail à la jeunesse ivoirienne. Ça peut amener la jeunesse à ne plus être oisive. Jouer OTHELLO dans tous les quartiers permet la cohésion. Ça lutte contre la délinquance juvénile.
Tant qu’on n’est pas encore arrivé à cela, OTHELLO sera toujours malade. Donc au plan financier, j’ai besoin de l’aide. Nous voulons aller à Korhogo. Nous n’avons pas de véhicule. On n’a pas les moyens pour louer un véhicule. Aujourd’hui, prendre une 4X4 en location, au minimum en trois (3) jours, c’est 350 000 FCFA, 400 000 FCFA, comme frais de location. C’est cet appel que je lance aux autorités. Je suis, désormais, Chevalier dans l’ordre du Mérite national. Le traitement doit changer. Et aujourd’hui, nous sommes la vitrine. Nous sommes devenus les idoles des élèves qui nous voient.
Il faut modifier les comportements de cette jeunesse qui est le centre d’intérêt du chef de l’Etat à travers le slogan « La jeunesse au centre du développement de la Côte d’Ivoire » par l’attitude des leaders confirmés que nous sommes. Nous voulons participer à cette action de développement de cette jeunesse ivoirienne. Donc, je remercie au passage le chef de l’Etat, je remercie M. Paulin Claude Danho et Mme Kandia Camara qui est notre marraine. Qu’elle nous reçoive pour que les choses puissent changer.
Avez-vous un appel particulier à lancer ?
Je lance un appel à Mariatou Koné pour qu’elle nous reçoive. Parce qu’elle est, pour nous, la patronne de l’Ecole ivoirienne. Elle est intellectuelle. Et les jeunes filles de maintenant veulent copier pour devenir de nombreuses Mariatou. Il faudrait qu’elle associe à ce développement de l’Ecole ivoirienne, l’OTHELLO. C’est un jeu, c’est un sport qui peut apporter et qui apporte. Je sais ce que je fais. Merci beaucoup.
Par Benoît Kadjo