Informer pour une école de qualité

- Advertisement -

Marie-Solange Tiébré (Directrice du Centre National de Floristique (CNF)) : « …le CNF joue effectivement un rôle central au niveau de la formation des étudiants »

« Le Centre national floristique, c’est vraiment le Centre qui s’intéresse à l’étude des plantes »

182
Listen to this article

Officiellement créé en 1973 par décret gouvernemental, le Centre national de floristique (CNF), situé à l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody, est dirigé par Marie-Solange Tiébré Epse Rensonnet. Elle est Professeure titulaire de Botanique. Dans cette interview accordée au groupe de presse Govcom éditeur des organes : l’Ecole, Lecoleinfos.net, justeinfos.net…, elle parle des missions liées au CNF, de l’importance de la nature sur la santé de l’homme etc.

 Présentez-nous madame la directrice le CNF et quelle est sa spécificité ?

Le Centre national de floristique CNF est un centre de recherche. C’est un institut de l’Université Félix Houphouët-Boigny qui a été créé par décret gouvernemental en 1973. Le CNF a ainsi pour missions, entre autres, la protection de la flore, les inventaires floristiques et effectue toutes les études qui sont en rapport avec les plantes. Notamment des études sur les plantes médicinales qui permettent de protéger la flore ivoirienne. Il s’agit également d’accompagner les populations dans les inventaires floristiques et de mettre en place une bibliothèque numérique. Mais surtout la spécialité du CNF reste l’identification des plantes.

Nous avons un herbier, c’est-à-dire, une bibliothèque de plantes qui est composée de près de vingt-neuf mille (29.000) spécimens de plantes qui nous permettent de  retracer l’histoire de la végétation de la Côte d’Ivoire. Vous savez bien qu’actuellement, on parle beaucoup de déforestation. Donc, c’est pour savoir avant 1960 qu’est-ce que la Côte d’Ivoire avait comme végétation, comme plantes. Et c’est là qu’intervient le Centre national de floristique capable de donner les types de plantes qu’il y avait en Côte d’Ivoire avant 1960. Le rôle du Centre est donc de faire le suivi écologique de ces espèces et les différents inventaires.

Vous êtes logés au sein de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody. Quel rôle joue véritablement un tel centre dans la formation des étudiants ?

Le Centre national de floristique est vraiment bien indiqué pour la formation des étudiants. Pourquoi ? Comme on l’a dit, nous avons, d’abord, l’herbier national qui est une bibliothèque de plantes de près de 29.000 spécimens. Le Centre permet aux étudiants qui ont comme spécialités les plantes, ceux qui travaillent en botanique, en biochimie, même les pharmaciens, donc des étudiants pharmaciens, viennent ici pour l’identification de leurs plantes.

Pour dire que le CNF joue effectivement un rôle central au niveau de la formation des étudiants. On donne même des formations en systématiques d’astronomie permettant aux personnes d’apprendre à identifier eux-mêmes les plantes qu’elles récoltent dans la nature. En plus, nous avons un jardin botanique de 10 hectares 25 de forêts naturelles et une partie plantée. Ce jardin permet aux étudiants de faire directement leurs travaux pratiques ici en blouse au lieu que cela se fasse ailleurs, en dehors de l’université.

Quelle est la différence entre le CNF et le jardin botanique de Bingerville ?

Oui, il est très différent. A la différence qu’ici beaucoup d’espèces ont été importées de presque toutes les parties, les zones géographiques de la Côte d’Ivoire. Et donc, l’étudiant sans qu’il ne sorte du centre a tout ce qu’il lui faut comme espèces venues de toutes les régions de Côte d’Ivoire, c’est-à-dire l’Est, l’Ouest, le Centre et le Nord.

Combien d’espèces d’arbres existe-il au sein du CNF et privilégiez-vous des espèces de façon particulière ?

En termes de diversité floristique, nous avons fait des inventaires et donc, sur les 10 hectares de forêts, on peut dire, par exemple, que nous avons 555 espèces de plantes identifiées appartenant à près de 380 genres et 103 familles. Dedans, nous avons donc des espèces à statuts particuliers qui sont des espèces rares et en voie de disparition de la flore. Nous avons dénombré près de 127 espèces à statuts particuliers.

A côté de ça, nous avons ceux qu’on appelle les espèces endémiques à la Côte d’Ivoire, c’est-à-dire, des espèces spécifiques que l’on ne trouve qu’en Côte d’ivoire et nulle part ailleurs. Il est donc de notre devoir de pouvoir les protéger. Ici au CNF, nous avons près de 79 espèces endémiques dont 09 endémiques de la Côte d’Ivoire. Qu’avons-nous encore à côté de ça ? Nous avons également les espèces de l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN). L’UICN, qui est en fait une très grosse Ong et à l’intérieur de laquelle ont été dénombrés certaines espèces vulnérables.

Et parmi les espèces vulnérables qui ont été identifiées en 2018, il y avait 37 qui étaient vulnérables et qui sont ici au Centre national de floristique. Et qui servent pour les campagnes de sensibilisation, de valorisation. Pour terminer, nous disposons de près de 183 espèces médicinales qui servent aux populations pour se soigner.

Alors, qu’est-ce que les plantes médicinales apportent véritablement sur la santé de l’homme, de l’animal et végétale parce que parfois, l’on dénonce l’utilisation de ces plantes par les tradipraticiens ?   

Ce qu’il faut savoir avant tout, c’est qu’il a été démontré que 80% de la population se soigne toujours à base de plantes. A part les populations en villes qui ont accès facilement aux pharmacies, la plupart des membres de la population ivoirienne se soigne toujours à base de plantes. C’est pour vous montrer l’importance de ces plantes. Donc, pour dire que s’il n’y a plus de plantes, il n’y a donc plus de médecine traditionnelle.

Il faut savoir que la médecine traditionnelle est très utile aux populations. Nos parents, de façon empirique, connaissent les plantes qui permettent de soigner diverses affections, maladies, fièvre typhoïde etc. Donc, c’est très important pour nous de pouvoir valoriser ces espèces et de continuer de les valoriser, de les faire connaitre à la population. Quand on dénonce les mauvaises pratiques, on peut alors dire ces mauvaises pratiques résident surtout dans l’utilisation. La seule difficulté qu’on a souvent avec les plantes médicinales est que quand c’est le tradipraticien qui est à la base-même de la décoction, il connait l’utilisation.

Par contre quand c’est quelqu’un qui reprend la pratique de quelqu’un d’autre, souvent, effectivement, l’utilisation peut être faussée. Mais la connaissance traditionnelle, quant à elle, est inaliénable aux populations parce que connaissant déjà les plantes qui soignent.

Le 12 octobre 2024, lors de la première édition de la « Marche Verte », vous avez révélé qu’il existe des plantes contre l’anxiété et la dépression. Avec ses solutions clefs en main, comment le Centre national de floristique vient-il en aide aux personnes souffrant de ces pathologies ?

Alors que pouvons-nous dire ? Ce que nous pouvons dire est qu’au niveau du Centre national de floristique de par ses missions, la deuxième mission du Centre, c’est l’étude sur les plantes médicinales. Donc, nous avons un répertoire, une base de données assez complète sur les plantes médicinale de Côte d’Ivoire, à travers les interviews, les enquêtes que nous avons réalisées auprès des populations, des tradipraticiens.

 

Nous avons donc cette base de données que nous mettons à la disposition, effectivement, des populations quand le besoin se présente. Et en fonction des thèmes ou des sujets qui sont demandés, nous rentrons dans la base de données pour ressortir des informations, des données. Et c’est comme cela que nous avons eu à nous intéresser, à la santé mentale. Et lorsqu’il a été question de la santé mentale au niveau de la journée, nous sommes ainsi entrés dans la base de données pour savoir au niveau de la Côte d’Ivoire ce que nous avions comme plantes pour soigner la santé mentale. Et c’est que nous nous sommes rendu compte qu’il y avait deux types de plantes. Donc, il y a des plantes qui soignent effectivement la santé mentale, la dépression, l’anxiété et autres.

Et d’autres plantes qui soignent les symptômes. Vous savez bien que les personnes dépressives ont souvent des migraines. Donc, nous avons des plantes, par exemple, qui peuvent soigner la migraine. Nous avons certaines personnes dépressives qui en plus de la migraine ont souvent des problèmes de fatigues. Parce que les personnes dépressives ont tendance à être très fatiguées. Et nous avons également des plantes qui peuvent soigner la fatigue. C’est donc l’association de ces plantes qui permet de soigner aussi bien la dépression que les symptômes qui tournent autour de ça. Et toutes ces informations viennent des populations pendant que le CNF en constitue la base de données des informations recueillies.

La deuxième phase au niveau du Centre national de floristique est que nous ne nous limitons pas aux informations des populations. Ce que nous faisons est que nous rentrions par la suite aux laboratoires pour tester ces plantes. Et nous nous sommes effectivement rendus compte en les testant que certaines molécules comme les flavonoïdes, les alcaloïdes permettent de diminuer voire soigner le stress.

Pouvez-vous énumérer quelques plantes et leur mode d’emploi ?

Alors, en ce qui concerne ces plantes, la première plante qui est ressortie de nos archives est rauwolfia, de son nom scientifique, le rauwolfia vomito ria. Et donc la partie qui soigne, ce sont les racines. Et au niveau de ces racines ce qu’on fait un mode de préparation, soit en macération, c’est-à-dire, qu’on fait bouillir et le mode d’administration est oral. Les principes actifs, par exemple, c’est une plante qui a beaucoup d’alcaloïdes qui sont des propriétés sédatives et qui calment la personne dépressive.

La deuxième espèce que je peux citer, par exemple, c’est le mombin, le spondias mombin que l’on appelle le mombin, c’est un produit forestier non ligneux. C’est une plante qui fait des pulpes jaunes un peu comme de petites mangues que les populations ivoiriennes connaissent bien. Le mombin qu’on le prépare sous forme de décoction, de macération et puis l’usage est nasal. Donc ce sont des feuilles qu’on froisse pour les mettre dans les narines. Elle aussi comprend ce qu’on appelle les tanins qui ont des propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires qui permettent de calmer.

Vous dites calmer ou soigner ?

Ces plantes réduisent le stress et diminuent l’inflammation au niveau du cerveau. Je n’irai pas jusqu’à dire soigner. Pourquoi est que je ne veux pas utiliser le thème soigner ? Parce qu’à ce stade, nous entrons dans la santé physique. Et il faut donc faire des tests sur des populations qui étaient malades, sur des populations saines, puis voir si effectivement le fait de soigner la personne permet en fait de guérir la maladie.

Comme généralement le stress est un état passager, je dirai qu’on diminue l’anxiété. Mais je recommande toujours d’aller se faire examiner par le médecin pour vérifier qu’effectivement l’on est guéri. Mais nous ici, au Centre, on ne peut pas vraiment utiliser le terme soigner puisqu’il faut faire le test sur plusieurs personnes avant de pouvoir utiliser cette expression.

Là aujourd’hui, vous parlez de deux espèces de plantes qui calment l’anxiété. Quand est-il exactement des feuilles de citron et du basilique que vous évoquiez à cette occasion pour cette même situation ?

Oui tout à fait. Donc il y a également le basilique qu’on utilise en infusion que tout le monde connait. C’est-à-dire qu’on prend les feuilles, les fleurs qu’on utilise en infusion. Et lui aussi comprend en fait de l’inhalol, donc des molécules qui permettent de diminuer le stress oxydatif. Effectivement, on a certaines espèces comme le citron, le coco, la banane. Au niveau du citron, ce sont les feuilles et le fruit. Quant au coco, c’est la racine et le fruit.

Au niveau de la banane, les feuilles, les racines et les fruits de banane que l’on peut utiliser par voie orale, que l’on mange. Et toutes ces espèces comprennent des flavonoïdes, des alcaloïdes, des tanins et ont donc vraiment des propriétés anti-oxydantes, anti-inflammatoires qui permettent en fait de réduire l’ace nie ou maux de tête. On a aussi d’autres plantes contre les céphalées dont le karité. On parle souvent de beurre de karité mais il s’agit ici des feuilles et de la racine par trituration permet de diminuer les céphalées.

On a également le poivre africain, c’est à dire l’écorce du poivre africain par macération par voie orale permet aussi de diminuer les céphalées. Ce sont là les espèces les plus connues que je viens de vous citer. Par contre, au niveau de la base de données, il existe près de 80 espèces qui peuvent aider les populations à diminuer le stress oxydatif. Je tiens toutefois à préciser que la meilleure façon de diminuer, c’est de faire des promenades en forêt.

Et c’est l’avantage que nous avons ici au niveau du Centre. Je veux dire par là qu’avec la promenade, la vue du vert permet donc de diminuer le stress, ceci accompagner donc d’un traitement contre l’anxiété. Donc j’invite les populations à pratiquer en plus des sorties en forêt pour pourvoir diminuer le stress oxydatif.

A quelle fréquence, peut-on utiliser ces plantes ?

Comme nous parlons de stress oxydatif dès que vous voyez que ça diminue, généralement on peut arrêter. Parce que ce sont des stades passagers. Tout ce qui stress, c’est vraiment beaucoup de travail, de nervosité. Donc quand ça diminue, il n’y a pas de raison de pouvoir continuer le traitement. Maintenant, boire du citron n’est pas mauvais pour la santé, soit par pétrissage, par mastication et par voie orale. Puis manger de la basilique accompagnée d’une salade n’est également pas mauvais pour la santé.

La basilique sûrement, on le découpe pour mettre sur la salade. Donc en termes d’usage, je ne dirai pas qu’il existe une période donnée. La banane plantain ou les musa paradisiaca, c’est un fruit que l’on connait bien. Soit les feuilles, la racine ou les fruits qu’on peut mastiquer. Et le fait de manger de la banane contenant le tanin et les anthocyanidines qui sont très bonnes pour le corps.

Finalement, je pense qu’il faudrait quand même séparer un peu le stress de la dépression, l’anxiété et autres. Le stress, c’est au quotidien. On est tous stressé. On a beaucoup de boulot. Ce qui fait que notre niveau de stress est toujours élevé. Donc manger de la banane, boire du citron, c’est très bon pour la santé de l’homme.

Quelles sont les actions réelles du CNF auprès de la population pour faire connaitre ses plantes médicinales ?

Ce que nous faisons, c’est vraiment l’éducation environnementale. Au Centre national floristique, nous avons donc défini un troisième axe que nous appelons l’axe société, environnement et développement durable. Les missions de cet ensemble consistent donc à faire des campagnes de sensibilisation.

Généralement, les populations arrivent pour des séances de promenades à travers le bois et en apprenant à connaitre le patrimoine. Et d’autre part, à connaitre toutes les plantes à savoir les plantes médicinales, les plantes alimentaires, les plantes artisanales avec lesquelles on fait le mortier, le pilon. Nous travaillons beaucoup sur l’éducation environnementale.

Existe-il dans les autres universités publiques ivoiriennes le même type de centre ?

Je dirai non. Parce que l’avantage du texte, c’est vraiment gouvernemental de 1973. Ce qui s’est passé, c’est qu’au niveau de la Côte d’Ivoire, chaque centre a sa spécialité. Ainsi, nous avons des centres qui s’occupent de la recherche agronomique, des centres qui s’intéressent à l’écologie, des centres qui s’intéressent à la pollution. Donc, le Centre national floristique, c’est vraiment le Centre qui s’intéresse à l’étude des plantes.

Et nous sommes les seuls qui en avons le monopole. Je souhaite également préciser le côté pluridisciplinaire du CNF. Pour dire qu’au Centre national de floristique, nous n’avons pas des botanistes. Nous avons également des biochimistes, des sociologues pour accompagner les populations, des ethnobotanistes, ce sont des personnes qui s’intéressent à l’utilisation des plantes, des mycologues qui s’intéressent aux champignons qui soignent. C’est donc tous ces corps de métiers qui font que nous sommes vraiment un centre de recherche pluridisciplinaire.

Quel message particulier, avez-vous à lancer ?

Alors, qu’est-ce que je pourrais dire ? Je veux dire qu’en termes de dépression et d’anxiété, c’est vraiment quelque chose qui touche tout le monde, toute la population est pratiquement sujette à ces maux. C’est pourquoi, je veux inviter chacun à la pratique du sport à travers la nature. De même à s’intéresser à leur patrimoine, aux forêts de Côte d’Ivoire riche de certaines espèces comme les plantes médicinales qui peuvent les aider à gérer leur anxiété et dépression. Donc, que ceux-ci cherchent à se tourner vers le Centre national de floristique pour leurs activités.

Réalisée par Hélène Aka

 

- Advertisement -

- Advertisement -