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M. Pokou, Directeur de l’INIPA : « Nous faisons 3 choses avec les enfants à l’Institut des aveugles »

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Pokou Komenan dit Anzoumanan est le directeur de l’Institut national Ivoirien pour la Promotion des Aveugles (INIPA), situé dans la commune de Yopougon à Abidjan. Cet institut étant le seul institut de l’Etat qui prend en charge les élèves non-voyants est-il connu de la plupart des populations ivoiriennes, en général, et celles d’Abidjan, en particulier ? Dans cette interview, le directeur parle de sa structure depuis sa création jusqu’à aujourd’hui. Comment se présente l’INIPA ? Comment on y entre ? Que fait-on là-bas ?, etc. Le directeur Pokou Komenan, à travers cette première partie, répond à toutes ces préoccupations…  

Monsieur le directeur, présentez l’INIPA à nos lecteurs ?

Merci. Vous entendez souvent dire institut des aveugles. L’appellation véritable, c’est l’Institut National Ivoirien pour la Promotion des Aveugles (INIPA). L’Institut est né suite à un projet d’inclusion des personnes en situation de cécité. Et donc, ce projet est parti de 1971 avec l’Unesco qui avait décrété l’Année internationale du livre à ladite année. L’Unesco, dans son entendement, avait demandé aux pays africains de faire des projets, de telle sorte qu’on puisse produire des livres pour les non-voyants. Le président Félix Houphouët-Boigny, clairvoyant qu’il était, s’est dit, mais si je produis des tonnes de livres pour des gens qui ne savent pas lire, alors comment ils auront accès à l’information ? Donc priorité, il faut d’abord les instruire.

A cet effet, la Côte d’Ivoire a fait son projet pour qu’on puisse instruire les non-voyants. Mais en même temps, il l’y a inclus, comme l’Unesco le demandait, la construction d’une imprimerie braille à la longue. Donc une fois le projet conçu, la Côte d’Ivoire a recherché les partenaires. Et c’est la Caritas suisse qui a accepté d’accompagner la Côte d’Ivoire dans la réalisation de ce projet. En 1971-1974, l’établissement a vu le jour, après que le président Félix Houphouët-Boigny, en 1972, a donné une superficie de 4 ha à la Caritas suisse pour que le projet puisse être réalisé. Et donc, les Suisses ont dirigé pendant 3 ans, de 1974 à 1977 et après, la Côte d’Ivoire a pris le relais. Jusque-là, c’est la Côte d’Ivoire qui dirige. Je suis le 10ème directeur après 9 directeurs qui sont passés avant moi.

Est-ce à dire que la Caritas suisse n’a plus de droit de regard sur l’INIPA ?

Non. Ils n’ont pas la main mise là-dessus. En principe dans le projet, il était prévu que cela revienne à la Côte d’Ivoire.

Une vue de l’Entrée de l’INIPA à Yopougon

N’y a-t-il pas de soutien aussi ?

Pour l’instant, il n’y a plus de soutien. C’est l’Etat de Côte d’Ivoire qui a pris les choses en main.

Comment devient-on pensionnaire de l’INIPA ?

Bien, pour être pensionnaire de l’INIPA, c’est sur la base de la décision d’une commission nationale appelée Commission nationale de recrutement dans les institutions spécialisées. Et cette commission est basée au Ministère de l’Emploi et de la promotion sociale, pour plus précision, à la Direction centrale, dénommée Direction pour la promotion de personnes handicapées (DPPH). La Commission est présidée par le ministre des Affaires sociales ou son représentant. Pendant l’année scolaire, tous les parents qui désirent envoyer leurs enfants à l’INIPA passent par la DPPH pour déposer le dossier de candidature. Pendant les vacances, il y a une première commission qui va siéger. Pour que chaque directeur dise le nombre de places disponibles. Ensuite, il y a la Commission de recrutement. Sur la base des places disponibles, les dossiers seront scrutés dossier par dossier jusqu’à ce qu’on retienne le nombre de places disponibles parmi les dossiers.

Vous avez parlé de chaque directeur qui doit donner le nombre de places disponibles. Y-a-t-il combien de directeur ?

En son temps, lorsque le Ministère était réuni, vous aviez les orphelinats, les pouponnières, les institutions spécialisées… Mais pour l’instant, comme le Ministère a été séparé, ceux qui sont aux Affaires sociales, ce sont les centres sociaux et les institutions spécialisées.

Quelles sont les activités qui se déroulent à l’INIPA ?

Au niveau de l’Institut, il faut dire qu’en 1974, à la création, ce qui avait été pensé, c’était l’Ecole primaire et la Formation professionnelle. Parce que dans notre entendement, en son temps, bien sûr, les choses évoluent, nous avions pensé que les aveugles ne pouvaient pas aller loin dans les études. Et donc, on avait juste créé l’école primaire pour leur donner les B A BA. Et ensuite, les envoyer à la formation professionnelle pour leur apprendre quelque chose. Pour ne pas qu’ils restent oisifs. Mais dans les années 83, 84 jusqu’à 85 par-là, il y avait 3 non-voyants qui avaient accédé au cycle secondaire et qui étaient au Lycée Classique. Au vu de ça donc, madame la Première dame en son temps, Thérèse Houphouët-Boigny, est venue construire deux autres bâtiments en plus de ce qui existait déjà. Un premier bâtiment pour le dortoir des collégiens et un second pour leur réfectoire.

Les collégiens, du coup, ont eu accès à l’instruction. A ce jour, y a la maternelle, il y a l’école primaire, nous avons les collégiens en pensionnat et nous avons la formation professionnelle. J’ai dit en pensionnat parce que nous n’avons pas de lycées et collèges à l’intérieur. Ils vont dans les lycées et collèges de Yopougon et ils nous reviennent à l’internat pour leur suivi technique. Tout ça, c’est géré par 9 services. Plus l’administration, cela fait 10 services. L’enfant a un besoin de santé, nous avons le centre de santé que nous appelons le service médico-scolaire. Ensuite, l’enfant a besoin d’être enseigné. Nous avons la maternelle et le primaire gérés par un service que nous appelons le service pédagogique. Vous avez un service qui est là et qui fait uniquement du braille, tous les textes en braille. Le braille, c’est l’écriture des non-voyants. Ce service a deux volets. Il y a le service de transcription et de décodage des textes. Transcription, quand le texte est en blanc-noir et que nous devons mettre en braille. Quand le texte est en braille, l’enfant, par exemple, a fait une composition, une évaluation ou un devoir, puis le professeur ne sachant pas lire le braille, il nous envoie pour que nous puissions traduire en écriture. Donc, nous prenons un stylo, nous les écrivons en dessous de ce qui est en braille. C’est le décodage.

Après cette cellule, il y a la deuxième cellule qui est l’encadrement des collégiens. Je vous disais tantôt que les collégiens ne sont pas à l’intérieur parce qu’il n’y a pas de lycée et collège ici. Ils vont dans les lycées et collèges de Yopougon et quand ils reviennent dans l’internat, nous avons un collège de professeurs non-voyants qui étaient dans les lycées et collèges de l’Education nationale, ayant perdu la vue, par le passé, on les mettait à la retraite anticipée, depuis un certain moment, avec l’expérience d’un d’entre eux, et bien maintenant, nous essayons autant que faire se peut, de les recruter à l’Institut pour qu’ils puissent encadrer nos enfants du point de vu cognitif. Il a perdu la vue, mais il a toujours la connaissance. Vous avez le service d’animation socioculturel et sportif. L’enfant est, pendant la semaine, à l’internat. Il a besoin de s’égayer. Il a besoin de faire quelques activités ludiques, surtout les filles ont besoin d’apprendre l’art culinaire. Donc, il y a un service d’animation socio-culturel qui s’en occupe. Pour le sport, les animations… Vous avez des enfants qui ont eu la chance d’aller à l’école mais, malheureusement, lorsqu’ils ont été atteints par la cécité, ils ont été déscolarisés. Des parents ne savaient pas qu’on pouvait les reprendre. Ils sont restés à la maison, ils ont grandi. Il y en a qui ont eu la chance d’aller à l’école, qui ont grandi. Et bien, cette frange-là, il faut bien leur apprendre quelque chose pour qu’elle ne reste pas dans les rues.

Donc, nous avons trouvé un service de formation préprofessionnelle. Je dis « préprofessionnelle » parce que nous ne sommes pas le Ministère de l’Enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Toutefois, nous leur donnons le B A BA d’un métier ici. S’ils veulent se perfectionner, ils vont s’inscrire maintenant dans les établissements de formation professionnelle du Ministère de l’Enseignement technique. Il y a le service Economat. Parce que les enfants sont à l’internat. Ils ont besoin d’être nourris, leur prise en charge gratuit sur tous les plans. Et bien pour tout ça, il y a un service Economat. Voilà ainsi quelques services qui sont là. Il y a un service phare que j’ai oublié. C’est le service éducatif. Il est ouvert 24h/24. Les autres services font le jour. Mais le service Educatif travaille tant que les enfants sont à l’internat. Ils travaillent par groupement. Ils se succèdent à chaque 08H de temps. Eux, on les appelle les substituts parents des enfants à l’Institution. Chaque service a un pan du développement psychomoteur de l’enfant. Une fois qu’on met ces services ensemble, vous allez voir qu’on a l’enfant dans son entièreté. Maintenant, il y a l’Administration qui coiffe tout ça pour faire la coordination.

Le Directeur Pokou Kobenan dit Anzoumanan.

Vous parlez d’éducation des enfants. Comment se fait concrètement cette éducation de ces enfants atteints de cécité ?

L’Education est large. Eduquer, c’est guider sur le bon chemin. Donc, tout repose sur l’éducateur quel que soit le service dans lequel vous vous situez. Si vous êtes au service médico-scolaire, et que l’enfant est malade, vous allez lui dire que quand on est malade, voici l’attitude à tenir. Si vous êtes au service éducatif, eux, c’est leur travail. Si vous êtes au service pédagogique, le fait de dire à l’enfant vient en classe à l’heure, quand tu es en classe, tiens-toi bien, c’est une éducation. Tout le monde est pratiquement éducateur ici. Seulement, au niveau du service éducatif, il y a un cahier de charges qui est là tous les jours, du matin au soir, et qui montre exactement, ce qu’il y a à faire.

A quel âge l’INIPA reçoit les enfants atteints de cécité ?

Pour l’âge de l’accueil, nous étions de 6 ans à 30 ans en son temps quand la maternelle n’avait pas encore été créée. Depuis 2015, nous sommes descendus de 4 à 30 ans.

Quelle est la capacité d’accueil de l’INIPA ?

La capacité évolue. Dans les années 1974, il avait environ 70 places. Aujourd’hui, nous sommes à près de 170 places disponibles en termes de filles et garçons. Puisque nous sommes un internat mixte. Nous fonctionnons sous le régime uniquement d’internat. Ce qui suppose le nombre de places disponibles dans les classes. Si vous augmentez le nombre de personnes dans les classes, il faut automatiquement augmenter le nombre de personnes par réfectoire. On ne peut pas recruter des enfants dans les classes alors qu’il n’y a pas de place à l’internat. Vous recrutez trop d’enfants à l’internat, si le nombre de classe ne suit pas, eh bien, vous êtes en porte-à-faux également avec vos objectifs. Là, les deux vont ensemble. A telle enseigne que si les classes augmentent, l’internat doit aussi augmenter en capacité. Si l’internat augmente en capacité, les classes doivent augmenter en capacité et tout ça, doit être relié au budget que l’Etat vous donne pour la prise en charge des enfants.

Parce que c’est un internat. Il y a que l’internat est très cher. C’est pourquoi aujourd’hui, il n’y a plus d’internat au Ministère de l’Education nationale. Les internats dans les lycées et collèges, quand nous étions encore à l’école existaient. Mais comme ça revenait très cher à l’Etat, ça a été supprimé. Ici, c’est très cher et il faut tenir compte du budget que l’Etat vous donne. On fait les demandes de budgets. Pour l’instant, par la grâce de Dieu, on a toujours été écouté. Et donc, on essaie de prendre les enfants en charges comme on le peut. En plus de ce que l’Etat donne, il y a des personnes sensibles qui viennent vous proposer un sac de riz en don avec un peu d’huile… Nous tirons le chapeau à tout le monde. A tous les Ivoiriens, aux personnes physiques, aux personnes morales qui essaient d’aider l’Etat dans ce travail sacerdotal.

Pourquoi ne pensez-vous pas à un service externe compte tenu de la petite capacité des pensionnaires, surtout que la Côte d’Ivoire, c’est quand même au moins 24 millions d’habitants ?     

Merci pour la question. Vous nous donnez l’opportunité d’expliquer un certain nombre de choses. Déjà, les enfants qui sont en internat. Chaque weekend, nous leur demandons de rentrer en famille, les vendredis après les cours, et de revenir à l’école le dimanche. Pédagogiquement parlant, parce que ces enfants ne doivent pas être détachés de leur famille. C’est vrai, nous sommes des éducateurs, mais la famille, c’est d’abord, les parents, les frères et autres. Donc l’enfant, même s’il est en situation de handicap, il doit être intégré dans sa famille. Comme les Sociologues le disent, la famille est la cellule primaire sociale. C’est la première cellule que l’enfant doit intégrer. Nous faisons en sorte que la place de l’enfant puisse être conservée dans sa famille. Pour ne pas que demain, il soit rejeté. S’il n’est pas intégré dans sa famille, ce sera difficile de s’intégrer dans la société.

A ce niveau-là, venir chercher l’enfant le vendredi et le ramener le dimanche, les parents s’en plaignent. Ils trouvent qu’ils dépensent trop. Voyez, dans la semaine venir, chercher l’enfant une fois et le ramener une fois dans la semaine, ils trouvent qu’ils dépensent trop. Alors si demain, nous disons que nous ouvrons l’externat, pour que les enfants restent à la maison. On va venir les déposer le matin. Venir les chercher le soir. Le lendemain, les ramener, le soir les reprendre, Déjà par semaine, ils s’en plaignent. Et quand ce sera tous les jours ! Alors qu’à la maison, avec nos enfants valides, nous payons leur transport matin, midi, soir. L’Etat les a habitués aux dons. Ils se disent que l’Etat doit prendre leurs enfants en charges. Ce n’est pas vrai. Parce que, quand vous prenez le cas des orphelinats, là on dit bien qu’ils sont orphelins. Ils n’ont pas de familles. Ils sont les pupilles de l’Etat. C’est tout comme les pouponnières. Les enfants qui ont été jetés à la poubelle ou dans un caniveau, ce sont des pupilles de l’Etat. Mais ici, c’est le contraire. C’est bien des parents qui nous envoient les dossiers des enfants pour les inscrire, solliciter l’aide de l’Etat. Donc, ces enfants ont bel et bien des parents.

Donc, ceux-là, il faudrait qu’ils assurent les responsabilités de parents. Le hic, c’est qu’en Côte d’Ivoire, il n’y a qu’une seule école étatique qui est INIPA. Il y a deux autres initiatives, mais un peu à l’état embryonnaire à Toumodi et à Anyama. Mais l’école étatique, c’est ici, structurée en tant que telle. Les enfants viennent de tous les horizons de Côte d’Ivoire. A telle enseigne que soit, ils sont avec un parent ici, rarement d’ailleurs. Mais la plupart du temps, ils sont avec un tuteur. C’est ce qui crée les problèmes de paiement de transport. Soit, on devait penser à la décentralisation de l’Ecole. Afin que des structures soient créées à l’intérieur. Mais comme je l’ai dit, ce sont des structures lourdes. Créer des structures à l’intérieur, cela veut dire qu’il faut penser à des budgets. Aux Affaires sociales, mon personnel s’en plaint tout le temps. On n’a pas de primes. Parce qu’on se dit que les Affaires sociales, ce sont les dépenses. L’Etat y songe, mais ce sont les moyens financiers qui font défaut. Quand l’Etat va construire d’autres structures à l’intérieur, peut être que cela va amoindrir les charges de l’Institut.           

Des enfants pensionnaires de l’INIPA dans la cour de l’Ecole.

Quelles sont les changes d’un enfant, pensionnaire de l’INIPA de pouvoir s’intégrer professionnellement ?

Oui, pour l’instant, il a toutes les chances. J’en veux pour preuve, nos enfants que nous avons formés ici, s’ils ne sont pas étudiants aujourd’hui, ils sont dans un service quelle que part. Parce qu’il existe une loi d’orientation en faveur des personnes en situation de handicap depuis 1998. Mais comme la loi n’est pas mise en application, et bien l’Etat a décidé, en palliatif, de recruter de façon dérogatoire des personnes en situation de handicap à la Fonction publique. On a pu remarquer que depuis 1998, en réalité, chaque trois (3) ans, l’Etat recrute. Depuis 2018, le président de la République a décidé que ce soit chaque année. En 2015, il y a eu 300 recrues, 2018, 300 recrues, 2019, 2020, 2021, il aura 200 recrues. Et comme nos enfants ne sont pas aussi nombreux que ça, ceux qui ont eu la chance de passer par l’Institut, ils ont facilement accès à l’emploi.

Votre structure dépend du Ministère de l’Emploi et de la protection sociale, alors que vous faites aussi de la formation ? Est-ce à dire que vous n’êtes pas pris en compte par le Ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation ?

On a tous commis cette erreur là en début de la gestion des personnes en situation de handicap, en nous disant que les vitesses d’apprentissage avec les soit disant valides ne sont pas les mêmes. Les aptitudes d’apprentissages ne sont pas les mêmes. Eh bien, qu’est-ce que nous avons décidé de faire ? C’est de mettre les enfants en situation de handicap entre eux et les valides entre eux. Quand on a créé le Ministère de l’Education nationale, on l’a créé pour les enfants dit valides. Cela veut dire que nous avons fait de l’exclusion. Depuis le départ, l’Education nationale ne prend en compte que les enfants dits valides. Dans ces dernières années, nous nous sommes rendu compte. Dans ces dernières années, l’Onu, l’Enesco, tout le monde a décidé que désormais, tous les enfants puissent aller ensemble à l’Ecole. Donc en son temps, l’Education nationale gérait les valides et le Ministère des Affaires sociales gérait les non valides. On s’est dit maintenant, qu’il faut que tous les enfants aillent à l’Ecole.

Ce projet est en train d’évoluer doucement. Ceux qui sont en institution spécialisée, on ne fermera pas les institutions spécialisées. Parce que forcément, il faut que l’enfant apprenne le braille avant d’aller dans une classe de valides, le langage gestuel, le B. A. BA., avant d’être dans une classe de valides. Donc, les institutions sociales vont toujours exister. Mais il va arriver un moment où vous allez voir qu’au-fur-et-à mesure, on va aller à l’inclusion. C’est ce projet qui existe que nous appelons : « L’Education inclusive ». Pour le moment, les Affaires sociales gèrent les plus petits. Ensuite, à partir de CE1, on essaie de les inclure. Il y a, d’ailleurs, un comité interministériel pour l’Education inclusive composée du Ministère de l’Education nationale, du Ministère de la Famille, la femme et de l’enfant et du Ministère de l’Emploi et de la protection sociale.

Quel type de formation les enfants reçoivent-ils ici ?

Les enfants reçoivent la formation professionnelle. C’est pourquoi, j’ai dit préprofessionnelle. Nous faisons trois choses. La première des choses, c’est le savoir. C’est-à-dire, à savoir mathématiques, sciences naturelles, histoire géographie, physique, maternelle, secondaire, primaire… Ensuite, le savoir-faire. C’est là qu’intervient le service de la formation professionnelle, en majorité. Mais la troisième chose, c’est le savoir-être, l’Education comme vous l’avez dit. Il faut que l’enfant sache se comporter pour qu’il soit accepté des autres. Alors, si vous êtes dans un bus, par exemple, dans un milieu public, et que vous ne savez pas vous comporter, eh bien, des gens vous vous exclure. En vous excluant, on exclura tous les non-voyants. Parce qu’à partir de l’exemple d’un d’entre vous, on dira qu’ils sont comme ça en général. Et donc, quand on verra un non-voyant, on dira, ils sont comme ça. Il faut savoir vous comporter partout où vous êtes. Car, vous êtes un ambassadeur pour les non-voyants.

Donc, il faut savoir se comporter. Eh bien, pour ce qui concerne le savoir-faire, vous avez le service d’animation socioculturelle et sportif. Ces enfants doivent savoir-faire, par exemple, de la musique. Nous avons plein d’enfants artistes ici. Vous n’étiez pas là lors de la visite de madame la ministre hier (Ndlr : mercredi 2 juin 2021), vous auriez vu leurs talents. Ils doivent savoir faire la musique, les sketches, la danse, la peinture, bien sûr, le sport etc. Donc on leur apprend tout ça. Mais la formation professionnelle permet à l’enfant de pouvoir gérer une AGR (Activité génératrice de revenu). De telle sorte que quand il sort de l’Institut, s’il n’a pas accès à une autre formation, il puisse au moins se prendre en charge pour ses petits besoins. Et bien, nous leur apprenons, par exemple, l’élevage de lapins.

Dans n’importe quelle cour d’Abidjan et de l’intérieur, vous pouvez créer des cages de lapins. Et puis, l’enfant va s’occuper des lapins pendant que vous le parent, vous vaquez à vos occupations. Tout le monde sort, il reste à la maison, il ne voit pas mais il va s’occuper de ses lapins. Il est tranquille. Ce sont des lapins que vous élevez au bout de 3 mois, vous pouvez les vendre à 5 000 FCFA, 6 000 FCFA. Si c’est des reproducteurs, c’est 12 000 FCFA à 14 000 FCFA. Tout ça pour se faire un peu d’argent. Nous leur apprenons l’élevage de poulet, la volaille. Par exemple, il y a le poulet de chair. Nous voulons bien faire les œufs, mais pour l’instant, on n’a pas encore les moyens. Pour que l’enfant puisse les vendre. Même s’il ne peut pas le faire seul, mais au moins, se mettre en association, 3 à 4 personnes, avec un assistant, ils peuvent créer une ferme. Il y a des techniques pour le non-voyant de rentrer dans la ferme.

Il faut d’abord, se désinfecter les pieds en les lavant, Et ensuite, ne pas porter de chaussures. Sinon vous allez marcher sur les poussins. Quand vous rentrez dans la ferme, vous marchez sur les orteils et ensuite, vous posez doucement les talons. S’il y a un poussin sous les pieds, vous saurez. Ou bien la deuxième technique, quand vous entrez dans la ferme, vous trainez les pieds de telle sorte que les poussins ne puissent pas entrer sous vos pieds. Donc, ce sont des choses que les non-voyants peuvent faire. Il y a également le métier à tisser. Les pagnes traditionnels. Ça, nos enfants peuvent le faire facilement. Nous avons, par exemple, l’élevage d’escargots. C’est un nouveau projet. Nous avons fait une formation avec une structure en place pour l’élevage d’escargot. Nous sommes en expérimentation actuellement pour que nos enfants puissent, véritablement, faire l’élevage d’escargot. Vous avez le maraicher. Le hors sol, par exemple, qu’ils peuvent exécuter. Donc il y a de ces petits métiers que nous leur apprenons pour qu’ils puissent se prendre en charge. Mais, pour celui qui veut se perfectionner, comme je l’ai dit, il doit aller dans une école de formation professionnelle.

Pour le directeur de l’INIPA, un enfant pensionnaire a toute les chances de s’insérer professionnellement.

En tant que directeur de l’INIPA, quelles sont vos priorités ?

Nous sommes au Ministère de la Protection sociale. Nous, notre part de protection sociale, c’est faire en sorte de trouver les moyens pour que nos enfants que nous encadrons ici, soit demain, des acteurs de développement. Pour que ce ne soit pas des enfants, qui, au sortir de l’Institut, deviennent des mendiants. Ne soient pas des enfants que nous allons retrouver en bordure de route. Ou que nous allons retrouver devant les édifices religieux etc. Il faut que ce soit des acteurs de développement. On dit l’homme est le produit mais, d’abord, l’homme est facteur de production. Que nos enfants soient des producteurs et qu’ils participent à l’enrichissement de la Côte d’Ivoire, à l’enrichissement de nos communautés.

Parce que si demain, ils restent des éternels assistés, il va falloir leur payer une canne, il va falloir leur payer la nourriture, leur payer un loyer, une maison. Or, si nous les formons, de telle sorte qu’ils ont des diplômes comme les autres valides, eh bien, ils vont participer à l’élargissement de la Fonction publique. Si nous les formons de telle sorte qu’ils puissent faire quelque chose de leurs dix doigts, demain, ils seront intégrés et pourront créer de petits métiers. Et donc, ceux-là n’auront pas besoin qu’on leur donne de l’argent pour payer leurs cannes. Eux-mêmes pourront payer leurs cannes blanches. Ils n’auront pas besoin qu’on leur donne de l’argent pour payer leur maison, eux-mêmes pourront payer leur loyer. Nous faisons en sorte que ce soit des citoyens pleins comme toute autre personne. Il faut donc trouver les moyens de le faire, il faut trouver les techniques de le faire. Les enfants peuvent tout faire. Il faut prendre le temps nécessaire de leur apprendre la patience et l’abnégation.

Réalisée par Benoît Kadjo

A suivre…             

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