Ecoles islamiques : La Côte d’Ivoire partage son expérience

26

Stratégie Nationale d’Intégration des Enfants des Structures Islamiques d’Education dans le système Educatif formel (SNIESIE). Le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger, le Mali et la Côte d’Ivoire, préoccupés par le sujet, se sont donné rendez-vous, le jeudi 02 décembre 2020 à Abidjan, à l’effet de partager l’expérience du modèle ivoirien qui a permis l’élaboration d’un programme consensuel prenant en compte les écoles confessionnelles islamiques dans la mise en œuvre du programme national d’éducation.

Faisant le constat amer de la proportion des enfants hors du système éducatif issus des structures éducatifs islamiques, la ministre ivoirienne de l’Education nationale, Mariatou Koné a, à l’ouverture des travaux, salué la mise en place de la vision nationale de l’intégration prenant en compte ‘‘l’enseignement des programmes officiels et l’éducation religieuse assurant à tous les enfants des structures islamiques d’éducation, des apprentissages de qualité, les rendant capables de contribuer au développement socioéconomique favorisant la cohésion sociale’’.

La table des officiels avec au centre la ministre Mariatou Koné.

 Un programme qui permet de sauver des centaines de milliers d’enfants. « Sur 1.500.000 d’enfants hors du système formel, 330.000 sont issus des structures islamiques », a annoncé Mariatou Koné. Avouant l’importance de la religion dans la formation de l’être humain, la ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation a indiqué que la stratégie nationale ivoirienne en a tenu compte dans son élaboration. « Sans nier l’importance de l’éducation religieuse dans la construction de l’être humain, toutes les parties prenantes ont défini la vision nationale de l’intégration à l’horizon de 2025 », a-t-elle indiqué.

L’objectif étant d’offrir à chaque enfant des opportunités d’apprentissage pertinentes, conformes à la demande et répondant aux impératifs de développement socio-économique et de cohésion sociale, rappelle Marc Vincent, représentant de l’Unicef en Côte d’Ivoire : « L’élaboration de la Stratégie Nationale d’Intégration des Enfants des Structures Islamiques d’Education dans le système éducatif formel est une réponse à l’épineuse question des enfants et des adolescents hors de l’école. Elle traduit notre ferme volonté de ne laisser aucun enfant de côté, quelle que soit sa spécificité », insiste le représentant de l’UE soulignant que « cette stratégie est le fruit d’un partenariat entre le gouvernement de la Côte d’ivoire, l’Unicef et l’Union européenne avec l’appui de partenaires compétents du domaine pour la rendre la plus efficiente possible. »

Une démarche en parfaite adéquation, toujours selon lui, avec l’objectif d’Education 2019-2030 de l’Unicef dénommée ‘‘Chaque enfant apprend’’. Les dernières évaluations faites en 2020 dénombrent 384 écoles coraniques en Côte d’Ivoire dont 127 ne peuvent être intégrer au programme national parce que ne répondant pas aux normes du programme national.

JEN

La SNIESIE expliquée par l’inspecteur général Ibrahima Kourouma du Ministère de l’Education nationale et de l’alphabétisation

« En Côte d’Ivoire, nous avons pu identifier quatre types d’école islamiques »

Il y a les écoles coraniques traditionnelles qui se font à même le sol avec le coran et une grande ardoise où l’enfant transcrit les versets coraniques, qu’il mémorise pour devenir marabout ou enseignant. Il y a aussi les premiers élèves dans les années 1994 qui sont allés dans le Maghreb ou en Arabie Saoudite et qui sont revenus avec une forme d’enseignement dans les salles de classe qu’on a appelé Madrassa. Là, tout l’enseignement se fait en Arabe. Toutes les matières sont en Arabe. Et ça, c’est le second type d’enseignement coranique qu’on a en Côte d’Ivoire.

Le troisième type : quand ils se sont rendu compte que nous sommes dans un pays où la langue de communication officielle est le français, ils ont alors essayé d’introduire le français dans certaines écoles Madrassa comme discipline et non comme langue d’enseignement. Ce sont ces écoles que nous appelons écoles franco-arabes.

Et il y a le quatrième type d’école, celui que nous privilégions en Côte d’Ivoire qui est l’école confessionnelle islamique à l’image des écoles confessionnelles chrétiennes, c’est-à-dire, qu’on fait le programme officiel de l’Etat de Côte d’Ivoire, puis on fait sa spécificité après. Si dans une école confessionnelle islamique, on fait le programme officiel, puis on a l’éducation religieuse islamique. Voilà le quatrième type que la Côte d’Ivoire privilégie. Nous voulons faire tendre tous les types d’écoles vers ce quatrième type.

« En Côte d’Ivoire, 127 écoles coraniques ne pourront pas être intégrées »

C’est vrai que certaines écoles ne pourront pas être intégrées parce que n’ayant pas d’infrastructures et je parle des écoles coraniques traditionnelles. Dans les dernières évaluations que nous avons faites en 2020, nous avons trouvé 384 écoles coraniques en Côte d’Ivoire dont 127 ne pourront pas être intégrées. Alors, la négociation qu’on va faire pour booster l’accompagnement à leur niveau, c’est de faire un protocole d’accord avec le maitre coranique et une école confessionnelle formelle islamique dans les environs de sorte que les enfants puissent aller dans les écoles confessionnelles islamiques pendant les jours ouvrables et les jours non ouvrables, retourner à l’apprentissage du coran parce que l’école coranique a une importance sociale dans le communauté musulmane. Elle forme des gens qui vont propager l’Islam par la suite. Donc, on ne peut pas fermer l’école coranique en tant que tel, mais les enfants, nous les récupérons pour qu’ils aient le socle commun de connaissance, de compétence, de culture comme tous leurs camarades des écoles publiques et privées.

Voilà l’objectif que nous visons et la stratégie nous a permis de faire ça. Aujourd’hui, nous voulons partager ce modèle avec les pays de la sous-région et nous instruire de ce qu’ils font aussi chez eux. Nous avons réussi en Côte d’Ivoire avec cette stratégie qui a mobilisé toutes les parties prenantes. Nous avons travaillé avec le Conseil national de sécurité et les Ministères en charge de la protection des enfants (le Ministère du Plan et du développement, le Ministère de la Famille et l’enfant, le Ministère de la Justice, le Ministère de la Sécurité intérieure et bien sûr le Ministère de l’Education nationale pour dire que toute l’administration y était. Nous avons aussi travaillé avec les ONG (Inter Peace, Graine de paix), les partenaires techniques et financiers (Unicef, Union Européenne). Nous allons vers toute la communauté islamique dans toute sa diversité. Ce qui fait que la stratégie que nous avons écrite aujourd’hui est consensuelle, acceptée de tous. Nous avons expliqué cette stratégie aux préfets de région.

Propos recueillis par JEN